Même jour, Angouréa Beach quelque chose, Sihanoukville, vers 19h30.


Cité balnéaire. A priori à mille lieux de celles de la Thaïlande, selon le Lonely Planet. Nous avons trouvé une guesthouse agréable. Nous sommes en ce moment sur la plage la plus en vogue. Une plage immense, de sable fin. Il fait nuit, je suis en T-shirt, si je veux, je peux me baigner dans une mer toujours tiède. Combien de gens envieraient ma place, dans cet énorme fauteuil d’osier, face à la mer, en buvant une bière ? Pourtant, je me sens mal à l’aise. Tout le long de la plage, des bungalows côte à côte proposent la même chose, délicieuse, faite d’ « endless summer » à profusion, et « cheap » en plus, pour un occidental. BBQ de fruits de mer à 3$ et bière à moins d’1$, entres autres. Musique sympa. Le bonheur. Non. Tout a l’air faux, construit pour nous, touristes en mal d’été. Ca ressemble à rien, à tout. Les mendiants défilent. Les touristes à moitié nus croisent les Khmers se baignant habillés. Ca m’énerve de voir tout ça comme ça, de ne pas penser comme la plupart des gens ici. Je ne peux pas m’empêcher de sentir la misère à quelques pas d’ici, de penser à cette fracture qui nous sépare du monde tel qu’il est. L’odeur des gambas grillés me tapisse les narines, l’anglais recouvre les paillotes argentées, je me sens à mi-chemin entre un rêve éveillé et une série TV. Nous nous doutions de trouver ça, mais c’est toujours la même musique, il faut voir pour savoir. Demain nous irons probablement sur une île du coin, et y dormir. Le bonheur est partout, nulle part, surtout à l’intérieur, comme je le matraque dans ce carnet, mais aussi en accord avec le monde où l’on vit. Même si tous les ingrédients sont là, je trouve que la recette ne prend pas. J’avais mal au cœur, en me baignant tout à l’heure, de sentir tout ça. Et doublement, de ressentir ça dans un tel endroit. Same same ? Not at all.