Vendredi 14 novembre, dans un mini van vers Sihanoukville, vers 11h30.


Oula. Plus d’encre. Et puis j’en avais assez, j’ai préféré regarder la mer. Et là, donc, cette étoile bougeait, un peu en cercle. J’ai trouvé ça beau, comme une réponse à cette question d’enfance. Toujours la même récurrence, j’ai vraiment l’impression de me répéter à travers mes histoires différentes. Et du même coup d’approcher quelque chose. Bref, hier fut consacré à l’île du lapin, au large de Kep. Un peu plus cher de booker depuis la guesthouse, mais bon, pas envie de se débrouiller. Dans un bateau, on retrouve notre soixante-huitard, Christian, qui va dormir sur l’île. Elle est paradisiaque, carte postalesque au possible, entre une affiche 4x3 et un spot TV Atoll avec Antoine. Des petites baraques où on peut manger du crabe, ou du poisson, ou des gambas. Des hamacs. Relax. Ca sent le camp de vacances à plein nez ! On fait un tour, et on trouve, sur les conseils de notre ami Christian, une petite plage déserte. Merci Christian. On installe notre hamac entre deux palmiers, il fait chaud. La mer est bonne. Paradis perdu. C’était comme croquer un morceau de nuage, l’arbre de vie à l’horizon. On est retourné vers midi, chercher notre lunch inclus dans la traversée, foutage de gueule dans une barquette froide, on préfère les fruits de cette belle mer, et retourner sur notre plage. C’était là où j’ai écris, où je n’avais plus d’autre encre que celle s’étendant à l’infini devant mes yeux. Quelques insulaires croisaient avec sourire notre immobilisme. Aucun touriste peuplant la grande plage n’est venu jusqu’ici l’après-midi. Les palmiers nous soufflaient leurs chuchotements, conversant avec les paresseuses vaguelettes s’échouant sur la plage. Un peu l’impression d’être dans une des deux fins de « 99 francs », quelque part. Un peu de musique, « All I Need » de Air, évidemment. Accessoirement, « Everybody loves the Sunshine » de Roy Ayers. Ca rend presque vide, tout ce bonheur. Et en même temps, c’est très bien de ne pas dormir ici, de ne pas recommencer cette journée un deuxième jour, qui serait forcément moins bien. Retour sur la plage principale, notre Christian nous a montré ses dessins, puis a essayé de nous narguer avec sa provisoire insularité. Détail amusant, il avait un T-shirt avec un autocollant « Ti Bedeff, Groix ». On s’est promis de se recroiser ici, à Groix, ou a Trévise, où il vit. Les coïncidences peuvent avoir d’étranges couleurs. C’est un sacré personnage, criant à qui veut bien l’entendre qu’il faut sortir l’Italie de l’Europe. Lucide, désabusé, mais finalement sensible, cultivé, artiste, sarcastique. Un personnage seul et complexe, courant après la simplicité. L’esprit des îles. L’esprit de l’eau. Un salut ensoleillé, retour sur Kep se gaver, et le mot est faible, de calamars et gambas. « Big », please. On a eu du mal à dormir, même moi… Et puis départ ce matin, halte à Kampot, et son marché, où j’ai acheté une tenue de moine magnifique. David, notre tuk-tuk, est d’abord venu avec nous au marché, et les prix s’envolaient. Puis on lui a demandé de s’en aller, parce qu’avoir un boy, ça ne nous plaît pas trop. Du coup, j’ai pu obtenir un prix plus décent pour ma tenue de bonze, d’un orange brûlant. Les Khmers prennent les touristes pour un ensemble de gens identiques, il me semble. Ca me fait penser aux Chams, ce qui n’a rien à voir d’ailleurs. Dans le coin, il y a une importante communauté cambodgienne musulmane, avec femmes voilées et hommes enturbannées. Quelques écoles avec panneaux en arabe. C’est assez étrange à voir. Puis enfin le mini van arrive pour nous emmener à Sihanoukville. Le David guitariste, croisé à Thakek, est là, dans ce petit camion climatisé. Il a presque le même carnet que moi. Nous nous sommes raconté nos parcours depuis le Laos. Le matin où on lui avait dit au-revoir, il apprenait à monter sur une moto. Non, je ne tenterai pas d’interpréter cette nouvelle coïncidence, mais plutôt d’avouer qu’hier était notre nouvelle plus belle journée.